PHEDRE
parodie que Pierre DAC a créée en novembre 1935
avec Fernand Rauzéna et O'dett,
au Liberty 's, un cabaret-dancing de Paris
Ecoutez la
bande originale ( fichier mp
( version un peu différente du texte ci-dessous )
PERSONNAGES:
PHÈDRE
SINUSITE (1ère servante de Phèdre)
PET-DE-NONNE (2e servante)
HIPPOLYTE
THÉRAMÈNE
LE CHOEUR ANTIQUE
LE CHOEUR ANTIQUE (gueulant)
0, puissant Dieu des Grecs, je viens
sous votre loi
Faire entendre en ces lieux ma douce
et faible voix.
De Phèdre et d'Hippolyte au lourd
passé de gloire
je veux ressusciter la tragique
mémoire...
Phèdre aimait son beau-fils,
Hippolyte au coeur pur,
Qui lui ne voulait pas de cet amour
impur.
Ce que vous entendrez ici n'est pas
un mythe
Mais le récit vécu de Phèdre et
d'Hippolyte.
(Le Choeur antique sort et Hippolyte
et Théramène paraissent.)
THÉRAMÈNE
Tu me parais bien pâle et triste à
regarder
Qu'as-tu donc Hippolyte ?
HIPPOLYTE
Je suis bien emmerdé !
THÉRAMÈNE
C'est un sous-entendu mais je crois
le comprendre.
Va, dis-moi ton chagrin, je suis
prêt à l'entendre.
HIPPOLYTE
Le dessein en est pris, je pars,
cher Théramène,
Car Phèdre me poursuit de ses
amours malsaines.
THÉRAMÈNE
Et Aricie alors ?
HIPPOLYTE
Quand j'évoque la nuit ses
innocents appas
J'ai des perturbations dedans la
tubulure
Car cette Aricie-là je l'ai dans la
fressure,
Elle est partout en moi, j'en ai le
cerveau las,
J'ai l'Aricie ici et j'ai l'Aricie
là!
THÉRAMÈNE
Elle a pris je le vois et tes sens
et ta tête...
HIPPOLYTE
Ah ! je veux oublier le lieu de sa
retraite !
THÉRAMÈNE
La retraite de qui ?
HIPPOLYTE
La retrait' d'Aricie
Qu'elle sorte de moi ! Aricie la sortie!
(On entend une trompette jouer :
As-tu connu la putain de Nancy ... )
THÉRAMÈNE
Mais qui vois-je avancer en sa
grâce hautaine?
N'est-ce pas de l'amour la plus pure
vision ?
C'est l'ardente sirène, la sirène
des reines
C'est Phèdre au sein gonflé des
plus folles passions !
PHÈDRE entrant avec ses servantes
Oui, c'est moi, me voici. Tiens, c'est toi Théramène?
Que viens-tu faire ici?
THÉRAMÈNE
Je venais, souveraine
Vous redire à nouveau mon récit
tant vécu...
PHÈDRE
Ton récit je l'connais, tu peux te
l'foutre au cul!
A l'écouter encor' j'en aurais du
malaise
Il y a trop longtemps que
Théramèn' ta fraise!!!
(Théramène, ulcéré, s'incline et
sort. Phèdre voit Hippolyte.)
PHÈDRE
Hippolyte! Ah! Grands
dieux je ne peux plus parler
Et je sens tout mon corps se transir
et brûler!
HIPPOLYTE
O rage! O désespoir! O détestable
race !
PHÈDRE
Par Jupiter je crois qu'il me trait'
de pétasse !
SINUSITE
Laissez-le donc maîtresse, il ne
veut point de vous !
PHÈDRE
Et moi j'en veux que j'dis, et
j'l'aurai jusqu'au bout !
(A Hippolyte)
N'as-tu donc rien compris de mes
tendres desseins ?
T'as-t-y tâté mes cuiss's,
t'as-t-y tâté mes seins ?
Ne sens-tu pas les feux dont ma
chair est troublée.
HIPPOLYTE
C'est Vénus tout entière à sa
proie attachée!
PHÈDRE
Oui, pour te posséder je me sens
prête à tout !
Que veux-tu que j'te fasse ? je suis
à tes genoux...
Que n'ai-je su plus tôt que tu
étais sans flamme...
HIPPOLYTE
Certes il eût mieux valu que vous
l'sussiez, madame ...
PHÈDRE
Mais je n'demande que ça !
HIPPOLYTE
De grâc' relevez-vous ...
PHÈDRE
Voyons tu n'y pens's pas, je n'peux
pas fair' ça d'bout!
HIPPOLYTE
N'insistez pas, madam', rien ne peux
m'ébranler.
PHÈDRE
Si t'aim's pas ça non plus, j'ai
plus qu'à m'débiner !
HIPPOLYTE
C'est ça, partez, madame, allez
vers qui vous aime.
PHÈDRE
Par les breloqu's d'Hercule je
resterai quand même !
Ah! Que ne suis-je assise à l'ombre
des palmiers...
HIPPOLYTE
Et pourquoi donc, madame?
PHÈDRE
Parc'que là tu verrais
Ce dont je suis capable et ce que je
sais faire...
Je connais de l'amour quatre cent
vingt-huit manières !
HIPPOLYTE
C'est beaucoup trop pour moi,
madame, voyez-vous.
PHÈDRE
Dis, t'es pas un peu dingu' ? Ça
s'fait pas d'un seul coup!
Oui je sais distiller les plus rares
ivresses...
C'est y vrai, Sinusite et
Pet-d'Nonne ?
LES SERVANTES (un peu gênées)
Oui c'est vrai, cher' maîtresse...
HIPPOLYTE
Je ne serais pour vous d'aucune
utilité
Je ne suis que faiblesse et que
fragilité.
PHÈDRE
On n'te demande rien! je frai le
nécessaire
T'as pas à t'fatiguer, t'auras
qu'à t'laisser faire.
HIPPOLYTE
Le marbre auprès de moi est
brûlant comme un feu...
PHÈDRE
J'suis pas feignant' sous l'homme et
j'travaill'rai pour deux!
Vos propos licencieux qui blessent
les dieux même
Point ne les veux entendre, c'est
Aricie que j'aime.
PHÈDRE
Mais de quels vains espoirs t'es-tu
donc abusé ?
Aricie est pucelle et n'a jamais...
HIPPOLYTE
Je sais!
Mais c'est cela surtout qui me la
rend aimable...
PHÈDRE
Oui mais pour c'qu'est d'la chose
elle doit être minable!
Allons, va, n'y pens's plus et sois
mon p'tit amant
Tu connaîtras par moi tous les
enchantements!
HIPPOLYTE
De grâce apaisez-vous, je me sens
mal à l'aise...
PHÉDRE
Viens, pour te ranimer j'te frai
Péloponèse !
HIPPOLYTE
Qu'est-ce encor que cela ?
PHÈDRE
C'est un truc épatant !
Ça s'fait les pieds au mur et l'nez
dans du vin blanc !
HIPPOLYTE
De tant de perversion tout mon être
s'affole.
PHÈDRE
Ben qu'est c'que tu dirais si j'te
f'sais l'Acropole.
HIPPOLYTE
Quelle horreur !
PHÈDRE
Comm' tu dis! Mais c'est bougrement bon...
Ça s'fait en descendant les march's
du Parthénon !
HIPPOLYTE
Prenez garde, madame, et craignez
mon courroux !
PHÈDRE
C'est ça, vas-y Polyte, bats-moi,
fous-moi des coups !
HIPPOLYTE
Vous frapper ? Moi, jamais, mon honneur est sans tache.
PHÈDRE
Mais y'a pas d'déshonneur, moi
j'aim' ça l'amour vache...
Viens, tu s'ras mon p'tit homme et
j'te donnerai des sous...
HIPPOLYTE
Ah! Que ne suis-je assis à l'ombre
des bambous...
Je ne veux rien de vous, mon coeur
reste de roche!
PHÈDRE (câline)
Qu'est c'que tu dirais d'un p'tit
cadran solaire de poche ?
J'te frai fair' sur mesure un' joli'
peau d'mouton
Et pour les jours fériés des
cothurn's à boutons...
HIPPOLYTE
Croyez-vous donc m'avoir en
m'offrant des chaussures ?
C'est croire que mon coeur du vôtre
a la pointure !
PHÈDRE
En parlant de pointure, si j'en juge
à ton nez
Ell' doit être un peu là si c'est
proportionné !
HIPPOLYTE
Vous devriez rougir de vos propos
infâmes
Vous me faites horreur, ô
méprisable femme !
PHÈDRE
A la fin c'en est trop! Mais n'as-tu donc rien là?
HIPPOLYTE
Madame je n'ai point de sentiments
si bas.
PHÈDRE
Les feux qui me dévor'nt ne sont
pas éphémères...
Hippolyt' je voudrais que tu me
rendiss's mère.
HIPPOLYTE
Ciel ! Qu'est-ce que j'entends? Madame oubliez-vous
Que Thésée est mon père et qu'il
est votre époux?
PHÈDRE
C'qui fait que j'suis ta mer', c'est
pour ça qu'tu t'tortilles ?
Ben comm' ça tout s'passera
honnêtement en famille.
HIPPOLYTE
Mais si de cet impur et vil
accouplement
Il nous venait un fils, que serait
cet enfant ?
PHÈDRE
Puisque je s'rais ta femme en mêm'
temps que ta mère
L'enfant serait ton fils en mêm'
temps que ton frère...
HIPPOLYTE
Et si c'était un' fill'
qu'engendrait votre sein?
PHÈDRE
Ta fill'serait ta soeur et ton
frèr' mon cousin!
HIPPOLYTE
Ah! Que ne suis-je assis à l'ombre
des pelouses...
PHÈDRE
Tu parl's! Avec c'mond'là, qu'est-c'qu'on f'rait comm'
partouzes !
HIPPOLYTE
Assez, je pars, adieu !
PHÈDRE
Ah! Funèbres alarmes
Voilà donc tout l'effet que
t'inspirent mes charmes?
J'attirerai sur toi la colère des
dieux
Afin qu'ils te la coupent!
HIPPOLYTE
Quoi, la tête ?
PHÈDRE
Non, bien mieux !
HIPPOLYTE
Vous êtes bien la fille de
Pasiphaé !
PHÈDRE
Et toi va par les Grecs t'faire
empasiphaer!
Sinusite et Pet-de-Nonne venez
sacré's bougresses
Calmez mon désespoir, soutenez ma
faiblesse...
PET-DE-NONNE
Elle respire à peine, elle va
s'étouffer...
PHÈDRE
Ben, c'est pas étonnant, j'ai
c't'Hippolyt' dans l'nez!
Je veux dans le trépas noyer tant
d'in-famie
Qu'on me donn' du poison pour
abréger ma vie!
SINUSITE
Duquel que vous voulez,
d'l'ordinaire ou du bon?
PHÈDRE
Du gros voyons, du roug', celui qui
fait des ronds.
Qu'est c'que vous avez donc à
m'bigler d'vos prunelles ?
Ecartez-vous de moi!
(A Hippolyte)
Toi, viens ici, flanelle.
Exauce un voeu suprême sans trahir
ta foi,
Viens trinquer avec moi pour la
dernière fois.
(Les
servantes apportent deux bols.)
A la tienne érotique sablonneux et
casse pas le bol !
(Elle
boit)
Oh Dieu que ça me brûl', mais
c'est du vitriol !
HIPPOLYTE boit
Divinités du Styx, je succombe
invaincu Le désespoir au coeur...
PHÈDRE
Et moi le feu au cul !